En mode écriture : Astrov

« S’il te plait, dessine-moi un auteur : Astrov »

Affiche de Bluewritter
Affiche de Bluewritter

iPagination et iPaginablog, deux sites en connexion étroite, puisque animés par les mêmes équipes, dans un même esprit et pour une même passion de l’écriture.

Écrire … qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que ça fait ? Comment ça vient ? Pourquoi ? Quand ? Où ? ….

Sur iPaginablog, nous avons invité les auteurs d’iPagination à nous dévoiler un peu de leur intimité de plume.

Cette semaine, c’est Astrov qui nous invite à le suivre entre scène de théâtre et scène de ménage … 

theatre-curtains

Six personnages engueulent l’auteur

(En hommage à Luigi Pirandello)

De Astrov (Edouard Huckendubler)

« Engueulent ». Oui, le mot est juste. Je me suis fait engueuler par mes personnages. Et chez moi, en plus ! Voilà comment :

L’écriture me vient à tout moment : un sujet me fait signe. Dès que j’ai mon clavier sous la main, j’y vais. Atmosphère, musique, environnement, cela n’a pas beaucoup d’importance. Les mots se proposent et le bonheur s’invite.

Or, depuis quelques temps, c’est l’écriture théâtrale qui me tenait. Six pièces depuis 2006, dont deux jouées en Compagnie Amateur. Cela fait donc pas mal de personnages créés par mes neurones. Et j’écris aussi des poésies (dont des sonnets).

C’est cela qui a tout déclenché :

Hier soir, pas très tard, après mon sobre dîner, on sonne à ma porte. Je vais ouvrir, sourire aux lèvres. Qui vois-je, serrés en un groupe compact et sévère ?

Six de mes personnages. Je les ai reconnus dans l’instant : un ou une représentant(e) pour chacune de mes pièces.  Principalement des femmes, et plutôt teigneuses (ben oui, je les ai créées ainsi). Je leur offre bon accueil :

– « Eh bé, la surprise ! Bonsoir, que me vaut … »

Sans répondre, le groupe est entré, direction le salon où chacun/chacune s’est assis dans fauteuils ou chaises. Ona, une Louve assez agressive, s’est lovée sur le canapé. Il restait une chaise, je l’ai prise.

Le silence se faisant un peu lourd, j’ai plaisanté : « Je vous ai faits plus bavards, non ? ». L’une d’elles (les hommes semblaient un peu discrets) a commencé :

– « Justement ! Tu nous as créés, donné existence, sentiments, parole. Tu te bats pour que nos mots (les tiens), nos dialogues, tes didascalies, soient lus, que nous soyons joués sur scène.  C’est bien. ».

Une autre a enchaîné : « Alors pourquoi nous fais-tu ça, depuis un moment ? »

– « Mais, ça, quoi ça ? » J’étais un peu perdu…

– « Ton infidélité. »

Infidélité ? Je ne pigeais pas bien. J’ai eu droit à une explication :

– « Depuis quand n’as-tu pas écrit pour le théâtre ? Depuis quand n’as-tu pas sculpté des personnages qui auraient pu venir avec nous ? Tu le sais, nous sommes une sorte de Famille.».

– « Eh ben, oui, depuis un  moment, j’écris aussi des poésies ! »

Ona a pris ma réponse, comme un os, à la volée. « Exact. C’est ce qu’on te reproche. Des poésies… Des sonnets… Il n’y a pas de personnages, là-dedans, pas de dialogues, pas de jeux de scène. Les mots, seuls. Pas de spectateur, mais des lecteurs qui comprennent ce qu’ils veulent, alors que nous, ce sont nos âmes que nous exprimons avec tes mots. Tu nous abandonnes ! »

Et tout le groupe, tel le chœur antique, a psalmodié : « Tu nous abandonnes, tu nous trahis ! ».

J’ai eu la révélation, le flash, la compréhension.

– « Vous… Vous êtes en train de me faire une scène de jalousie parce que j’écris quelques poésies ? »

– « Il y a de quoi, non ? Nous avions confiance en toi, et puis, te voilà à poétiser, à rimer…  D’ailleurs tu n’as écrit aucune pièce en vers. On aimerait bien parler en alexandrins… »

Je songeais (modestement) à Pirandello, qui avait lancé des personnages cherchant un auteur. Et là, ce soir, des personnages venaient faire une scène de jalousie à leur auteur. Pour quelques escapades poétiques extra-théâtrales !  Je n’avais trompé personne, c’était juste une attirance poéti…  Et puis zut !

Tout soudain j’ai senti  la rogne venir en moi.  Des disputes amoureuses, j’avais vécu ça.  Mais des reproches sur mes goûts en écriture, et venant de mes propres créations, non, mais, on va où ? Je me suis levé, en respirant à fond.

– « Non, mais, on va où ? Alors vous allez m’écouter. Je ne suis pas infidèle. »

Ona, vive et en alerte, a fait mine de protester. D’un geste, je l’ai renvoyée sur le canapé. Qui c’est le boss ?!

– « Pas infidèle. Toutes et tous, qui vivez dans mes pièces, je vous aime. Compris ? Je vous aime.  Vous existez, vous serez sur scène, en tapuscrit, en recueil. Oui, je me battrai pour vous. Et mes poèmes ne retirent rien à l’amour que je vous porte. Ce sont des expressions, des émotions que je souhaite faire ressentir aux lecteurs et lectrices. Pour les atteindre au cœur, au corps, afin de les emmener ici, là, en rêve, en découvertes, en sourires et soupirs ».

Les personnages étaient attentifs. La tension s’est bien relâchée. J’ai continué :

– « Et vous ! Mais vous en faites autant, auprès des spectateurs ou des lecteurs ! Car c’est vous qui leur portez mots et émotions. Vous êtes indispensables. Vous m’êtes indispensables. Je n’abandonnerai jamais le théâtre. Je suis sur une nouvelle pièce. Dès qu’elle sera au point, vous serez avertis. J’ai un peu de mal avec l’intrigue, mais rien de grave ! ».

Elles et ils se sont levés, souriants, et m’ont entouré. Leurs mains ont effleuré mon visage. Ils m’ont dit : « Merci ! Nous voilà rassurés. Bonne chance avec l’intrigue. Nous sommes toujours près de toi. A très bientôt ! ». Et ils sont partis tranquillement. J’ai remarqué qu’ils passaient à travers la porte sans l’ouvrir.

Je suis allé me coucher, tôt. Car le lendemain, j’avais un poème  et une pièce à sculpter.

 Theatre-Swatch

Avoir toujours un oeil sur ses personnages …

Mes six pièces auxquelles je fais allusion sont lisibles sur  ipagination  (pseudo Astrov) pour certaines,  et sur le site de théâtre  leproscenium.com  sous mon nom  Edouard HUCKENDUBLER.

Ona est un des personnages de ‘’La hiérarchie des Louves’’.

 

 

 

A propos

"Quelques louches de fantaisie, une pincée d’humour, la vie ne me prend pas au sérieux, alors moi non plus ! Je plonge dans l’absurde, nage dans le loufoque, et accroche, aussi souvent que possible, des étoiles et des fleurs de poésie à mes jours, à mes nuits…" Curieuse des mots, Firenz' a fait des langues sa profession. Elle est rédactrice sur 'iPaginablog, et voix d'iPaginaSon, ainsi qu'auteure sur iPagination.

11 Comments on “En mode écriture : Astrov

    • Merci, Domi! Ecrire est déjà intense et prenant. Alors, en écriture théâtrale, créer des personnages qui agiront ainsi que vos mots et didascalies le veulent, l’émotion est multiple. Et dans le cas de « La hiérarchie des Louves », les quatre Femmes de la Meute m’ont comme envoûté quand je les ai sculptées. La Poésie offre une autre piste, une création différente… Oui, un autre mode!

  1. La poésie ne peut-elle pas intervenir de plein-pied dans le théâtre? Ne pourrais-tu inventer un personnage poète? Ils seraient tous si heureux, ainsi que les lecteurs et spectateurs, j’en suis certaine.

    • Tout à fait d’accord, Brigitte! Cela existe déjà avec musique, dans la forme oratorio, qui offre une vraie poésie des dialogues chantés. C’est p’être pour cela que mon rêve absolu serait de pouvoir écrire un livret d’opéra en osmose avec un/une compositeur/trice! Mais le personnage-poête, je retiens l’idée. D’instinct j’y vois une femme. Donc, ne pas lutter contre l’instinct littéraire! Merci à toi!

  2. Le sourire et l’humour ont un peu plus de facilité à surgir en poésie qu’en oeuvre théâtrale, à mon avis. Car les situations et répliques sur scène passent par des personnages, puis par des comédien(ne)s. Regardez le public ce soir, puis demain soir: il arrive que les rires ne soient pas aux mêmes endroits! Why? Pourquoi? Warum? Porque?
    Sauf les miracles: Feydeau, Obaldia… Merci de m’avoir soutenu dans ma discussion avec mes personnages!!!

  3. Cher Astrov, je te nomme par ton pseudo, parce qu’eux même naissent à nous et s’imposent comme un personnage qui ont un rôle et qui s’y tiennent parfois avec plus de force que la personne que nous sommes. Je me fais souvent engueulée, et parfois même, ces personnages, qu’ils soient d’ailleurs de théâtre, de « conte » de nouvelles ou de sketch… viennent et ne disent rien, comme en attente. Alors quand j’ai lu que tu te faisais engueulé aussi, je me suis mise à rire… j’étais contente. Lorsque je te croise sur IP, jamais je ne suis déçue, d’ailleurs chaque fois que je vois ton nom, ou que je pense à aller te lire, il y a un personnage qui apparaît dans ma tête. Bien sûr, ce n’est pas toi, mais l’image que tu as donné à mon esprit quand je te lis. Cela est très rare, très très rare, comme si quelque part, un Astrov existait vraiment. Ta présentation me fait kiffer et je te vois… j’aime aussi particulièrement t’entendre parler de sculpture, car il me plaît à dire que j’écris mes sculptures et sculpte mes mots… c’est peut-être pour cela que je te vois. Vas-y Astrov, crée ton poète de théâtre. Il ou elle t’attend quelque part, là dans une antichambre, prête à se lever et à apporter d’autres connaissances à Ona et tous les autres… Alors salut à vous Astrov et Edouard et…. MERCI !

    • Ben grand merci, Claire ! Oui, le théâtre me tient bien ! Tu sais, mon pseudo « Astrov » vient d’une pièce de Tchékov « Oncle Vania », que j’ai jouée sur scène, et, oui, j’interprétais Astrov, médecin humaniste et écolo. Le personnage m’a tellement plu que j’en ai fait mon pseudo, c’est-à-dire mon « double » littéraire.
      Je me suis lancé dans une nouvelle pièce, Ouh là… Un thème de vengeance qui risque de briser mon héroïne. J’ai commencé, j’irai au bout…
      Sur Ipag, nous mettons toutes sortes de styles, hein ! C’est ça qui fait bonheur ! A très très bientôt à te lire, à commenter, bref à naviguer…
      Salut Claire !

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