Un pique-nique estival et ipaginatif ? La notice !

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Pour vos pique-niques d’été entre amis, je vous propose un mode d’emploi agréable, placé sous le signe du bio, des achats responsables, du partage de lectures sur des thèmes de nature, dans la  gaieté, avec le sourire…et pour pas cher puisque les dépenses seront divisées au prorata du nombre de convives !
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Pour démarrer le projet, il faut un jardin, une vingtaine de convives, 3 à 4 nappes si possible en tissu vichy, une pile de livres dont vous n’avez plus l’utilité et que les convives pourront emporter en partant, une ou deux tables et quelques chaises, un ou l’autre parasol pour se protéger du soleil !
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Pour la nourriture, tomates, concombres, carottes, poivrons rouges, fromage de chèvres frais, framboises et melons, pain de seigle. Vin blanc, vin rosé, eau pétillante et eau plate ! Vous aurez acquis le tout aux espaces bios de vos supermarchés où aux épiceries bios du coin où vous vivez.
Les assiettes pique-niques seront préparées avant l’arrivée des convives : fourrez simplement les sandwiches avec le fromage de chèvre, recouvert des légumes coupés fins, arrosé de sauce vinaigrette aux poivrons. Un délice ! Melon et framboises seront servis après les lectures.

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Dès maintenant identifiez quelques amis pour lire les textes que vous choisirez ensemble, où que chacun aura choisi. Les textes, d’une manière ou d’une autre, se doivent d’honorer la terre-mère. Vous pourrez également puiser dans ceux que je vous propose ! Chaque lecteur portera un signe de reconnaissance, à ‘mon’ pique-nique chacun portait un chapeau de paille!
Le jour J, vous étalerez les nappes sur votre pelouse en laissant un minimum d’espace entre chaque nappe. Les convives y seront installés en quatre groupes (ou trois ou six !). Les nappes maintenues au sol par les livres que vous avez rassemblés (voir plus haut !)
Et le moment venu, le pain distribué, le verre bien rempli, le premier lecteur pourra lire :
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Colette

…A la première haleine de la forêt, mon coeur se gonfle. Un ancien moi-même se dresse, tressaille d’une triste allégresse, pointe les oreilles, avec des narines ouvertes pour boire le parfum. Le vent se meurt sous les allées couvertes, où l’air se balance à peine, lourd, musqué… Une vague molle de parfum guide les pas vers la fraise sauvage, ronde comme une perle, qui mûrit ici en secret, noircit, tremble et tombe, dissoute lentement en suave nourriture framboisée dans l’arôme se mêle à celui d’un chèvrefeuille verdâtre, poissé de miel, à celui d’une ronde de champignons blancs… Ils sont nés de cette nuit, et soulèvent de leurs têtes le tapis craquant de feuilles et de brindilles…(extrait de La vrille de la vigne.)

Pendant que près de la nappe suivante, un deuxième lecteur entamera mezzo vocce :
Quand le dernier arbre
Aura été abattu
Quand la dernière rivière
Aura été empoisonnée
Quand le dernier poisson
Aura été pêché
Alors on saura que
L’argent ne se mange pas
Go Khia Yeh dit Geronimo

Tandis que le troisième entame la merveilleuse nouvelle de Jean Giono que vous pourrez écouter dans son intégralité ci dessous …Ou lire ici!

…Le berger qui ne fumait pas alla chercher un petit sac et déversa sur la table un tas de glands. Il se mit à les examiner l’un après l’autre avec beaucoup d’attention, séparant les bons des mauvais. Je fumais ma pipe. Je me proposai pour l’aider. Il me dit que c’était son affaire. En effet : voyant le soin qu’il mettait à ce travail, je n’insistai pas. Ce fut toute notre conversation. Quand il eut du côté des bons un tas de glands assez gros, il les compta par paquets de dix. Ce faisant, il éliminait encore les petits fruits ou ceux qui étaient légèrement fendillés, car il les examinait de fort près. Quand il eut ainsi devant lui cent glands parfaits, il s’arrêta et nous allâmes nous coucher.
La société de cet homme donnait la paix. Je lui demandai le lendemain la permission de me reposer tout le jour chez lui. Il le trouva tout naturel, ou, plus exactement, il me donna l’impression que rien ne pouvait le déranger. Ce repos ne m’était pas absolument obligatoire, mais j’étais intrigué et je voulais en savoir plus. Il fit sortir son troupeau et il le mena à la pâture. Avant de partir, il trempa dans un seau d’eau le petit sac où il avait mis les glands soigneusement choisis et comptés.

Je remarquai qu’en guise de bâton, il emportait une tringle de fer grosse comme le pouce et longue d’environ un mètre cinquante. Je fis celui qui se promène en se reposant et je suivis une route parallèle à la sienne. La pâture de ses bêtes était dans un fond de combe. Il laissa le petit troupeau à la garde du chien et il monta vers l’endroit où je me tenais. J’eus peur qu’il vînt pour me reprocher mon indiscrétion mais pas du tout : c’était sa route et il m’invita à l’accompagner si je n’avais rien de mieux à faire. Il allait à deux cents mètres de là, sur la hauteur.
Arrivé à l’endroit où il désirait aller, il se mit à planter sa tringle de fer dans la terre. Il faisait ainsi un trou dans lequel il mettait un gland, puis il rebouchait le trou. Il plantait des chênes. Je lui demandai si la terre lui appartenait. Il me répondit que non. Savait-il à qui elle était ? Il ne savait pas. Il supposait que c’était une terre communale, ou peut-être, était-elle propriété de gens qui ne s’en souciaient pas ? Lui ne se souciait pas de connaître les propriétaires. Il planta ainsi cent glands avec un soin extrême.

Après le repas de midi, il recommença à trier sa semence. Je mis, je crois, assez d’insistance dans mes questions puisqu’il y répondit. Depuis trois ans il plantait des arbres dans cette solitude. Il en avait planté cent mille. Sur les cent mille, vingt mille était sortis. Sur ces vingt mille, il comptait encore en perdre la moitié, du fait des rongeurs ou de tout ce qu’il y a d’impossible à prévoir dans les desseins de la Providence. Restaient dix mille chênes qui allaient pousser dans cet endroit où il n’y avait rien auparavant…

Et qu’à la quatrième nappe, retentit la voix du quatrième lecteur lisant le discours du chef Seattle, (même s’il a été revu et corrigé par l’écrit, il reste profondément émouvant) dont vous pourrez écouter la lecture ci-dessous où lire sa version écrite ici!

Discours prononcé par le grand chef Seattle devant l’Assemblée des tribus d’Amérique du Nord en 1854.

« Le Grand Chef de Washington nous a fait part de son désir d’acheter notre terre.
Le Grand Chef nous a fait part de son amitié et de ses sentiments bienveillants. Il est très généreux, car nous savons bien qu’il n’a pas grand besoin de notre amitié en retour.
Cependant, nous allons considérer votre offre, car nous savons que si nous ne vendons pas, l’homme blanc va venir avec ses fusils et va prendre notre terre.
Mais peut-on acheter ou vendre le ciel, la chaleur de la terre ? Etrange idée pour nous !
Si nous ne sommes pas propriétaires de la fraîcheur de l’air, ni du miroitement de l’eau, comment pouvez-vous nous l’acheter ?
Le moindre recoin de cette terre est sacré pour mon peuple. Chaque aiguille de pin luisante, chaque grève sablonneuse, chaque écharpe de brume dans le bois noir, chaque clairière, le bourdonnement des insectes, tout cela est sacré dans la mémoire et la vie de mon peuple. La sève qui coule dans les arbres porte les souvenirs de l’homme rouge.
Les morts des hommes blancs, lorsqu’ils se promènent au milieu des étoiles, oublient leur terre natale. Nos morts n’oublient jamais la beauté de cette terre, car elle est la mère de l’homme rouge; nous faisons partie de cette terre comme elle fait partie de nous.
Les fleurs parfumées sont nos sœurs, le cerf, le cheval, le grand aigle sont nos frères; les crêtes des montagnes, les sucs des prairies, le corps chaud du poney, et l’homme lui-même, tous appartiennent à la même famille.
Ainsi, lorsqu’il nous demande d’acheter notre terre, le Grand Chef de Washington exige beaucoup de nous.
Le Grand Chef nous a assuré qu’il nous en réserverait un coin, où nous pourrions vivre confortablement, nous et nos enfants, et qu’il serait notre père, et nous ses enfants.
Nous allons donc considérer votre offre d’acheter notre terre, mais cela ne sera pas facile, car cette terre, pour nous, est sacrée.
L’eau étincelante des ruisseaux et des fleuves n’est pas de l’eau seulement ; elle est le sang de nos ancêtres. Si nous vous vendons notre terre, vous devrez vous souvenir qu’elle est sacrée, et vous devrez l’enseigner à vos enfants, et leur apprendre que chaque reflet spectral de l’eau claire des lacs raconte le passé et les souvenirs de mon peuple. Le murmure de l’eau est la voix du père de mon père.
Les fleuves sont nos frères; ils étanchent notre soif. Les fleuves portent nos canoës et nourrissent nos enfants. Si nous vous vendons notre terre, vous devrez vous souvenir que les fleuves sont nos frères et les vôtres, et l’enseigner à vos enfants, et vous devrez dorénavant leur témoigner la bonté que vous auriez pour un frère. …

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Des écrivains qui ont peint la terre, des poètes qui l’ont chantée, vous en trouverez des dizaines y compris chez nos chers ipaginauteurs…Le plaisir de les chercher pour préparer ce pique-nique éthique et littéraire démultipliera votre plaisir ! Comptez une vingtaine de minutes de lecture maximum par lecteur. Quand l’un d’entre eux a fini la lecture de ses textes, une tournante s’opère… Ce qui, dans le cas exposé, revient à profiter d’une grande heure de partage de beauté !
Et après me direz-vous, mais après, chantez, échangez, amusez-vous et que les vacances vous soient jolies !
La concrétisation de ce pique-nique a eu lieu à Liège ce 22 juin, et si les textes que je vous ai proposé en lecture ne sont pas ceux que j’ai entendu (à l’exception du discours du chef Seatle), la partition  est bien le reflet de ce moment très sympathique organisé par les Parlantes et cetera.

Les photos sont miennes à l’exception  de la photo de Colette. Les photos avec personnages ne sont pas utilisables ailleurs que sur ce site. Les autres sont libres de droit.

A propos

Malayalam, balades prodigues en poémie pour l'ipaginablog. Lectrice et auteure sur ipagination.

9 Comments on “Un pique-nique estival et ipaginatif ? La notice !

  1. Ah!…Voilà un pique-nique qui te tente et me plaît infiniment 🙂 Tout y est: la convivialité, les bonnes choses et des lectures♥ Merci pour ce bel article et cette jolie idée 🙂

  2. Quelle belle, saine et conviviale idée ! Je suis partante ! Tu as su poser un décor frais, serein, sympathique, simple et vrai. Me voici si emballée que j’en fait un « excès de qualificatifs » (ça se soigne bien, pas d’inquiétudes). Quel bonheur de commencer la journée en te lisant. Merci ! Je repars le sourire aux lèvres et le coeur gonflé de bien être joyeux.

    • AAAAAAAAAh soupir d’aise ! Il fat bon chez toi et toutes ces tribus de lectures, d’aventures et pas en miniatures donneront du corps aux textes, prétexte pour un « Encore… ». C’est une délicieuse ballade que tu nous offres là avec une envie de dire un mot, un seul : CHICHE !

  3. Liège devient la patrie des mots! Il y a aussi les goûters lecture chez les particuliers qui pour l’occasion se transforment en lecteurs d’extraits de leur propre bibliothèque!
    Le plus difficile pour les initiatives privées reste de trouver les convives qui apprécieront la lecture! Merci Stephan!

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