Apprendre le québécois, leçon 1 : L’amour !
C’est avec grand plaisir qu’iPagination s’associe à Patrice Hudon et son excellent site « Du français au français » pour vous faire rencontrer et apprendre régulièrement la langue québécoise, par le biais d’articles thématiques. Appréhender les nuances de la langue française afin d’éviter tout quiproquo, mais aussi de s’enrichir, voyager régulièrement sur l’autre rive, riche de nombreux auteurs de talent, qu’iPagination a la grande chance de tutoyer au quotidien.
L’amour sans frontière
L’amour est aveugle, mais il n’est pas sourd, surtout chez les couples franco-québécois où les subtilités de nos deux langues françaises transforment souvent l’amour en humour. Nous vivons les mêmes émotions, dans notre langue commune, mais avec des mots différents.
Au Québec, Jules a beaucoup moins de succès qu’en France. En effet, la locution « Son Jules » est presque inconnue au Canada. Le terme le plus courant pour décrire un amoureux est « chum ». « Je n’ai jamais revu Julie depuis qu’elle s’est fait un chum. » « J’aime pas le nouveau chum de ma mère. » Nous utilisons aussi les termes copain, petit ami ou amoureux comme synonymes de Jules. Et une amoureuse est une « blonde » : « Incroyable, Jules a trois blondes en même temps. »
Mais attention, un « chum » n’est pas toujours un « chum ». Si vous entendez une Québécoise dire : « Hier soir, je suis sortie avec mes chums de filles. » Cela veut simplement dire qu’elle est sortie avec ses amies. Voici un autre exemple de nuance linguistique qui peut embrouiller un Français. Une femme pourrait lancer cet ultimatum à son « chum » : « Il faut que tu choisisses entre moi ou tes chums. »
Une Québécoise peut donc avoir à la fois un « chum » et un « chum de gars ». Si « de gars » est apposé à « chum », le « chum » en question devient un ami, mais pas un « petit ami », car « petit ami » est habituellement synonyme de « chum » (amoureux), mais pas de « chum de gars ».
Contrairement aux Français, les Québécois deviennent rarement amoureux; mais « ils tombent en amour ». Cette expression, tirée de fall in love, est la formule la plus courante au Québec. Et comme « tomber en amour » laisse présager un choc, une douleur, une souffrance, les Québécois « cassent » lorsqu’ils mettent fin à une relation amoureuse. « Je suis inquiet pour Julie. Depuis qu’elle a cassé avec Jules, elle ne mange plus, ne dort plus, ne parle plus. Elle était vraiment en amour par-dessus la tête. »
L’expression imagée « être en amour par dessus la tête » signifie être follement amoureux. « Ses parents s’inquiètent pour leur fille. Elle est en amour par-dessus la tête avec le petit vaurien qui traine au bar toute la journée. »
Culturellement, les Français draguent davantage que les Québécois ; et du point de vue linguistique, les Québécois n’utilisent presque jamais le mot draguer. Ils préfèrent les verbes « flirter » et surtout « cruiser ». « Jules n’est pas tuable, il cruise toutes les filles qu’il rencontre. »
Et si Jules « tombe en amour », il peut se marier ou vivre « accoté », un québécisme synonyme de « vivre en concubinage ». « Jules s’est finalement casé, il vit accoté depuis quatre mois. » Mais « accoté » ne signifie pas seulement vivre en concubinage, il peut aussi vouloir dire « être appuyé d’un côté ». « Jules est accoté contre un poteau » (ou plus familièrement « sur » un poteau) ». À la rigueur, s’il était en état d’ébriété, Jules pourrait même « être accoté » contre sa blonde avec qui il vit en concubinage. Mais là, on pousse le jeu des subtilités un peu trop loin.
Tourlou, on se revoit le mois prochain
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